Une guerre qui se prépare est maintenant toujours précédée et accompagnée d'une guerre des propagandes.
C'est pourquoi il est important de distinguer les faits établis, les faits évidents mais pas établis, les annonces qu'on ne peut soi-même vérifier (et il faut alors se demander qui a intérêt à faire circuler cette "information").
Pour la Syrie et les éventuelles frappes, nous avons comme faits établis :
- Une guerre qui dure depuis 28 mois et qui a fait un paquet de morts (110.000 est un chiffre retenu comme réaliste mais ce n'est pas un fait établi).
- Un pays qui est un des très rares à ne pas avoir signé le traité international interdisant la production et la détention d'armes chimiques, par contre il est signataire comme tous les pays du globe du traité interdisant son utilisation.
- Une armée régulière qui se bat contre des rebelles de la Coordination Nationale Syrienne et à son armée l'Armée Syrienne Libre (ASL)
- Une armée régulière qui se bat contre des rebelles jihadistes
- Des rebelles de l'ASL qui se battent contre des des rebelles jihadistes
- Des rebelles kurdes qui se battent contre l'armée régulière
- Des rebelles kurdes qui se battent contre des rebelles jihadistes
(Bref, 4 camps avec tous les affrontements armés possibles deux à deux sauf celui des kurdes contre l'ASL).
- Une attaque chimique d'ampleur le 21 août sur une zone où la population est favorable aux rebelles de l'ASL
- Des pays qui financent les rebelles de l'ASL et d'autres qui financent les rebelles jihadistes (plus un qui finance les deux)
- Une dernière tête de pont de la Russie au Moyen-Orient (importance stratégique vitale pour la Russie)
- Une dernière tête de pont de la Russie en Méditerranée (importance stratégique vitale pour la Russie)
- Une tension entre chiites et sunnites (importance stratégique contradictoire pour l'Iran et l'Arabie Saoudite)
Ça se sont les fait établis, ceux que personne ne peut mettre en doute.
Qui a donné l'ordre de l'utilisation des armes chimiques et dans quel but ?... Ça semble évident mais ce n'est pas un fait établi.
Quelles seraient les conséquences d'une frappe ? On ne peut que supputer.
Quelles seraient les conséquences d'une absence de réaction militaire ? On ne peut que supputer.
Quelle réaction est la plus favorable pour amener les divers partis à s'entendre pour mettre un terme à la guerre ? On ne peut supputer.
Ce qui est évident à l'étude des seuls faits établis, c'est que la Russie est la clef de voûte de toute solution politique au conflit.
En l'absence de garanties pour la Russie qu'elle maintiendra son implantation à la fois au Moyen-Orient et en Méditerranée, elle refusera de lâcher sa véritable garantie qu'est Assad et continuera à l'armer pour que la solution au conflit se trouve dans l'anéantissement des rébellions.
Or les engagements et belles paroles ne suffiront pas pour garantir ça à la Russie : Après s'être fait berner dans l'affaire Libyenne, Poutine ne va pas se contenter de garanties qu'il ne maîtrise pas lui-même.
Et après cette humiliation libyenne, ses "satellites" ne lui font pas toute confiance pour la sécurité qu'il prétend leur apporter, et il a besoin de prendre sa revanche contre l'occident pour montrer au Kazakhstan, à la Kirghizie et autres que le fait d'être dans le bloc russe, c'est être dans un ensemble qui ne cède pas.
C'est peut-être con, mais c'est la seule issue politique possible à la guerre en Syrie : s'humilier devant Poutine.
Il faut donc confier par l'ONU à Poutine le rôle de "pacificateur" de la Syrie, lui demander d'accepter (!) le rôle de leader de la solution politique qu'il a les moyens d'imposer et dont il peut obtenir le mandat de l'ONU... pour peu que les occidentaux acceptent une telle humiliation.
Bien au delà de la question des frappes ou non, il faut ouvrir les yeux : Le règlement du conflit syrien ne peut s'obtenir que par un anéantissement des rébellions (donc des massacres généralisés) ou une solution politique dont Poutine serait l'architecte.
Le frappes ne peuvent servir qu'à donner un avertissement crédible pour retarder la solution des massacres de grande échelle, mais un jour ou l'autre l'occident devra s'incliner devant Poutine ou constater le massacre...
Quoi qu'il arrive Poutine aura obtenu ce qu'il cherche : Montrer qu'il défend ses dictatures inféodées.