C'est moi !
2009-10-20 00:32:04 UTC
Noam Chomsky et Edward S. Herman donnent beaucoup d’exemples. Ils comparent ainsi l’affaire du prêtre polonais Jerzy Popieluszko –sympathisant du syndicat d’opposition Solidarité, il avait été assassiné par la police polonaise en 1984– et l’affaire Oscar Arnulfo Romero –archevêque de San Salvador, défenseur des humbles en résistance, il avait été assassiné en mars 1980. Les assassins de Popieluszko avaient été identifiés, arrêtés, jugés et mis en prison. Le dispositif culturel dominant s’empara du mérite de cette diligence judiciaire : il attribua cette efficience de la police et de la justice polonaises à la pression exercée par les médias du monde entier. Remarque peut-être vraie, mais d’autant plus accablante si on regarde l’affaire Romero.
L’assassinat de l’archevêque salvadorien, pourtant beaucoup plus élevé dans la hiérarchie ecclésiale, n’avait quasiment pas été rapporté par le dispositif culturel dominant. Les coupables de l’assassinat de Romero n’ont jamais été identifiés, encore moins arrêtés… Dire que dans la Pologne communiste on assassine impunément les prêtres d’opposition signifiait apporter de l’eau au moulin de l’idéologie dominante, donc l’assassinat de Popieluszko était dénoncé avec insistance et les suites données à l’affaire tenaient en haleine le dispositif culturel dominant, suscitant la curiosité et l’intérêt du public. Par contre Romero, archevêque de San Salvador, assassiné par les escadrons de la mort d’extrême droite, était une victime encombrante pour le dispositif culturel dominant, son cas ne fut donc guère suivi par la grande presse. Ainsi si on tient pour vraie l’affirmation selon laquelle c’est la pression de la presse mondiale qui a contraint le régime polonais à arrêter et incarcérer les coupables de l’assassinat de Jerzy Popieluszko, le silence de la même grande presse dans le cas de l’archevêque Oscar Arnulfo Romero visait à garantir l’impunité à ses assassins.